L’obligation de quitter le territoire (OQTF) a été introduite en France par une loi de 2006 et est devenu la principale mesure d’éloignement de l’étranger. Il s’agit de prendre, avec un seul acte, trois décisions :
– refuser la délivrance d’un titre de séjour ou retirer le titre de séjour ;
– imposer à l’étranger de quitter le territoire ;
– fixer le pays de destination, dans certaines conditions ;
I. Les possibilités de se voir délivrer une OQTF
L’article L511-1 du CESEDA fixe les hypothèses d’intervention de l’OQTF et précise quels types de personnes sont protégés contre cette mesure.
L’OQTF est mise en œuvre par le préfet dans le cadre d’un document écrit et motivé dans 8 hypothèses :
- à l’encontre d’un étranger rentré irrégulièrement en France ;
- l’étranger qui s’est maintenu au-delà du temps autorisé ;
- l’étranger à qui on a retiré le titre de séjour ou dont ce titre n’a pas été renouvelé ;
- l’étranger à qui on a définitivement refusé l’asile (les « déboutés du droit d’asile ») ;
- l’étranger qui se trouve en France depuis moins de 3 mois et qui constitue une menace pour l’ordre public, ou qui n’arrive pas à trouver une autorisation de travail.
Il existe des cas où les étrangers sont protégés contre cette mesure :
- les étrangers mineurs, à moins que leurs parents fassent l’objet d’une OQTF ;
- l’étranger qui réside habituellement en France depuis l’âge de 13 ans ;
- les personnes qui ont des liens familiaux avec des personnes présentes sur le territoire français (père ou mère d’un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu’ils contribuent effectivement à l’entretien et à l’éducation de l’enfant depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins 2 ans) ;
- les étrangers résidant habituellement en France dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve de l’absence d’un traitement approprié dans le pays de renvoi ;
- les étrangers titulaires d’une rente d’accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d’incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 % ;
- les étrangers qui résident régulièrement en France depuis plus de 10 ans, sauf s’ils ont disposé pendant toute cette période d’une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » ;
- les étrangers qui résident régulièrement en France depuis plus de 20 ans ;
- les étrangers ne vivant pas en état de polygamie, les étrangers mariés depuis au moins 3 ans, dont le conjoint est de nationalité française, à condition que la communauté de vie n’ait pas cessé depuis le mariage ;
- les ressortissants d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ainsi que les membres de sa famille, qui bénéficient du droit au séjour ;
- les étrangers appartenant à l’une des catégories pouvant prétendre à la délivrance de plein droit d’un titre de séjour ;
II. La procédure de l’OQTF
A. Les conditions de régularité
Pour être régulière, l’OQTF doit être signée par le préfet du département où réside l’étranger, et motivée (sauf lorsqu’il s’agit de l’étranger qui n’a pas reçu le renouvellement de séjour ou qui a été refusé).
L’OQTF sans délai doit avoir été notifiée par voie administrative, c’est à dire remise en main propre à la préfecture ou par un agent de police lors d’une garde à vue ou d’un contrôle d’identité.
En revanche, l’OQTF avec délai de départ volontaire doit être notifiée par courrier.
B. Les délais d’exécution
1. Le délai de départ volontaire
L’obligation de quitter le territoire français est, en principe, assortie d’un délai de départ volontaire. Le délai accordé est habituellement de trente jours. Néanmoins, au regard de la situation personnelle de l’étranger, l’administration peut exceptionnellement prévoir un délai supérieur. Ce délai de départ volontaire peut être mis à profit pour demander à bénéficier de l’aide au retour.
A l’expiration de ce délai, l’OQTF devient exécutoire d’office, c’est-à-dire que l’étranger doit immédiatement quitter le pays, s’il ne l’a pas déjà fait.
2. L’OQTF sans délai
Le délai peut être supprimé par les autorités préfectorales, dans 3 hypothèses :
– si le comportement de l’étranger constitue une menace pour l’ordre public ;
– si son titre de séjour entaché de fraude ;
– s’il existe un risque que l’étranger ne se soumette pas à l’obligation.
Dans ce cas-là, l’OQTF est exécutoire d’office, l’étranger doit immédiatement quitter le pays.
C. Les recours contre l’OQTF
Il est possible d’introduire un recours devant le tribunal administratif compétent, celui de la préfecture qui a délivré l’OQTF.
Dans le cas où il s’agit d’une OQTF sans délai, l’étranger dispose de 48 heures après la notification de l’OQTF, pour introduire un recours devant le président du Tribunal administratif. Les recours sont suspensifs. L’administration doit attendre la décision avant d’exécuter la mesure.
En revanche, le recours n’empêche pas éventuellement de placer l’étranger en rétention.
Lorsqu’il s’agit d’une OQTF assortie d’un délai de départ volontaire, le délai pour introduire un recours devant le tribunal administratif varie en fonction du motif de l’OQTF :
- le délai est de 15 jours à partir de la notification de l’OQTF lorsque :
- l’intéressé est rentré irrégulièrement en France ;
- l’intéressé est resté en France après l’expiration de son visa, ou plus de 3 mois après son entrée en France sans visa ;
- l’intéressé n’a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour et est resté en France après sa date d’expiration ;
- la demande d’asile a définitivement été rejetée ;
- le délai est de 30 jours à partir de la notification de l’OQTF lorsque :
- la demande de titre de séjour ou de renouvellement a été rejetée ;
- le titre de séjour ou le récépissé ou l’autorisation provisoire de séjour a été retiré ;
- la personne représente une menace pour l’ordre public et réside en France depuis moins de trois mois ;
- la personne travaille sans autorisation de travail et réside en France depuis moins de trois mois ;
À partir de sa saisine, le tribunal administratif dispose d’un délai qui varie en fonction du motif de l’OQTF, pour statuer.
Le délai est de 6 semaines s’il s’agit des situations suivantes :
- entrée irrégulière en France ;
- maintien en France après l’expiration de votre visa (ou plus de 3 mois après votre entrée en France si vous êtes dispensé de visa) ;
- pas de demande de renouvellement du titre de séjour et maintien en France après sa date d’expiration ;
- la demande d’asile a été définitivement rejetée ;
Le délai est de 3 mois s’il s’agit des situations suivantes :
- la demande de titre de séjour ou de renouvellement a été rejetée ;
- le titre de séjour (y compris récépissé ou autorisation provisoire de séjour) a été retiré ;
- représenter une menace pour l’ordre public et résider en France depuis moins de 3 mois ;
- travailler sans autorisation de travail et résidez en France depuis moins de 3 mois ;
Le tribunal administratif peut annuler l’OQTF ou une ou plusieurs mesures l’accompagnant :
- S’il annule l’OQTF : toutes les autres mesures prennent fin (décision refusant le délai de départ volontaire, décision fixant le pays de renvoi et éventuellement interdiction de retour, placement en rétention ou assignation à résidence). L’étranger se voit alors délivrer une autorisation provisoire de séjour par la préfecture dans l’attente d’un réexamen de votre dossier ;
- S’il annule la seule interdiction de retour : l’éloignement peut se poursuivre mais il sera possible de revenir en France avec un titre de séjour et un visa en règle ;
- S’il annule la seule décision fixant le pays de renvoi : une assignation à résidence peut être ordonnée ;
Ensuite, il est possible d’interjeter appel de la décision du Tribunal administratif devant la Cour administrative d’appel, dans délai d’appel d’un mois à compter de la notification de la décision du tribunal.
Toutefois, ce recours ne suspend pas l’exécution de l’OQTF. L’intéressé peut donc faire l’objet d’une procédure de renvoi, avant la décision en appel.
Enfin, le recours devant le Conseil d’Etat est possible en cas de rejet du recours devant la Cour administrative d’appel, mais il n’est pas suspensif. Par ailleurs, il est important de souligner que le Conseil d’Etat n’est pas un troisième degré de juridiction jugeant l’affaire en droit et en fait avec une plénitude de juridiction, mais une juridiction de régulatrice du droit.