Selon l’article L. 311-1 du CESEDA, tout étranger de plus de dix-huit ans et souhaitant séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire soit d’un visa long séjour, soit d’un titre de séjour.
I. Les différents titres de séjour
A. Les titres de courte durée
1. La carte de séjour temporaire (« CST »)
La carte de séjour temporaire est le document permettant à un étranger de séjourner régulièrement sur le territoire français pendant une durée limitée à une année.
Elle peut néanmoins être renouvelée, si les conditions initiales de délivrance sont toujours réunies.
Les conditions de la délivrance d’une carte de séjour temporaire sont :
– l’entrée régulière du demandeur sur le territoire, par exemple avec un visa long séjour ;
– ne pas représenter une « menace à l’ordre public » ;
– ne pas être en situation de polygamie.
Sur la carte de séjour temporaire peuvent figurer plusieurs mentions, selon le statut particulier du titulaire : « visiteur », « étudiant », « stagiaire », « salarié », ou enfin « vie privée et familiale ».
Chaque mention implique des conditions spéciales dépendant du motif de la demande :
Type de carte | Conditions spéciales | Effets |
Carte « visiteur » (Art. L.313-6 CESEDA) | Autonomie financière complète | Ne permet pas d’exercer une activité professionnelle |
Carte « étudiant » (Art. L.313-7 CESEDA) | Suivre des études, une formation en France (certificat d’inscription) ET Moyens d’existence suffisants | Limite la possibilité d’avoir une activité professionnelle (« dans la limite de 60% de la durée de travail annuelle ») |
Carte « stagiaire » (Art. L.313-7-1 CESEDA) | Convention de stage ET Moyens d’existence suffisants | Dépendent du type de stage |
Carte « salarié » OU « entrepreneur / profession libérale » (Art. L.313-10 CESEDA) | Exercice d’une activité salariée (CDD, CDI) OU Exercice d’une activité non salariée, économiquement viable (moyens d’existence suffisants), dans le respect de la législation en vigueur | Exercice d’une activité professionnelle |
Carte « vie privée et familiale » (Art. L.313-11 CESEDA) | Mariage ou PACS avec un ressortissant de nationalité française OU Être parent d’un enfant français mineur (contribuer à l’entretien et à l’éducation de l’enfant) OU Etrangers gravement malades (selon avis du conseil des médecins de l’OFII) OU Liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d’existence de l’intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d’origine (droit au respect de sa vie privée et familiale). OU à 18 ans : – Résidence habituelle en France depuis l’âge de 13 ans, avec un parent titulaire d’un titre de séjour – Avoir été pris en charge par l’ASE avant l’âge de 16 ans, caractère réel et sérieux de la formation suivie, et avis de la structure d’accueil – Résidence en France pendant au moins 8 ans de manière continue, avec suivi d’une scolarité d’au moins 5 ans dans un établissement scolaire française après l’âge de 10 ans. | Exercice d’une activité professionnelle possible |
2. La carte pluriannuelle
Il s’agit d’un titre de séjour dont la durée de validité est limitée à quatre années.
Il n’est délivré que lorsque le demandeur a déjà été titulaire d’une première carte de séjour temporaire ou d’un visa de long séjour valant titre de séjour.
L’article L.313-7 du CESEDA prévoit les conditions de la délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle. Le demandeur doit :
– continuer à remplir les conditions de délivrance de la carte dont il était précédemment titulaire.
– ne pas avoir manifesté de rejet des valeurs essentielles de la société française et de la République ;
– justifier de son assiduité et du sérieux de sa participation aux formations prévues au titre du « contrat d’intégration républicaine » (CIR), c’est à dire des formations prévues pour favoriser son insertion dans la société française.
La carte de séjour pluriannuelle n’est pas délivrée à l’étranger titulaire de la carte de séjour temporaire portant notamment la mention « visiteur » ou « stagiaire ».
En principe, la carte de séjour pluriannuelle est délivrée pour le même motif que celui ayant déterminé la délivrance de la carte de séjour temporaire ou le visa long séjour valant titre de séjour.
Mais l’étranger peut faire valoir un autre motif. Dans ce cas, le demandeur d’un titre de séjour pluriannuel dans le cadre d’un changement de statut peut obtenir ce titre, s’il remplit les conditions requises pour la délivrance de ce titre de séjour d’un an (article L. 313-19, I du CESEDA).
La durée de validité de la carte de séjour pluriannuelle est fixée à quatre années au plus (article L. 313-18 du CESEDA). Elle varie en fonction de la nature du séjour.
Par exemple, elle est :
- d’une durée égale à celle restant à courir du cycle d’études dans lequel l’étudiant est inscrit ;
- d’une durée de 2 ans pour l’étranger marié à un ressortissant français, les parents d’un enfant français mineur résidant en France et l’étranger « dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus de séjour porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée » ;
- d’une durée égale à celle des soins pour les étrangers malades.
B. Les titres de séjour de longue durée
1. Les cartes de résident (titre de séjour de 10 ans)
La première condition est identique à celles prévues par les autres titres de séjour : l’intéressé ne doit ni représenter une menace à l’ordre public ni se trouver en situation de polygamie.
Ensuite, l’article L. 314-2 du CESEDA dispose que :
« La délivrance d’une première carte de résident est subordonnée à l’intégration républicaine de l’étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect effectif de ces principes et de sa connaissance de la langue française, qui doit être au moins égale à un niveau défini par décret en Conseil d’Etat »
Ainsi, la condition principale pour se voir délivrer une telle carte est le respect d’un « contrat d’intégration républicaine ».
Il existe néanmoins d’autres conditions à l’obtention de la carte de résident (Voir article La carte de résident).
2. La carte de séjour permanent
Cette carte confère à son titulaire un droit au séjour de durée illimitée.
L’article L. 314-14 du CESEDA prévoit qu’à l’expiration de sa carte de résident, une carte de résident permanent, à durée indéterminée, peut être délivrée à l’étranger qui en fait la demande, sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, et à condition qu’il satisfasse aux conditions prévues à l’article L. 314-2, relatives à l’intégration républicaine.
La délivrance de cette carte de séjour permanent est, de plus, subordonnée au respect des articles L. 314-4 à L. 314-7 du CESEDA :
– absence de polygamie ;
– absence de condamnation pour agression sexuelle, sur mineur de 15 ans ;
– absence de retrait de la carte de résident ;
– absence de péremption de la carte de résident.
Il s’agit en principe d’une simple faculté du Préfet : il peut accepter ou refuser la demande.
Mais dans certains cas, l’accès à cette carte se fait de manière automatique (par exemple, lorsque le demandeur a déjà eu accès à une carte de résident ou à une carte de résident portant la mention « résident de longue durée-UE » à deux reprises).
II. Les procédures de délivrance des titres de séjour
La procédure de délivrance d’un titre de séjour est régie par toute une série de règles générales, qui concernent tous les titres de séjour (A). Le pouvoir d’appréciation de l’administration peut aussi varier (B). Dans certains cas, une commission donne son avis sur la réunion des conditions pour obtenir le titre de séjour (C).
A. Les règles générales
1. La demande et l’instruction
Lorsqu’il s’agit de demandes concernant les titres de séjour des personnes qui viennent d’acquérir la majorité, le dépôt d’une demande de délivrance initiale doit être effectué dans les deux mois suivant la majorité.
Une demande de renouvellement d’un titre doit être déposée au cours des deux mois précédant l’expiration du dernier titre.
ATTENTION : avec la crise sanitaire de 2020, des mesures dérogatoires ont été prévues, et les délais ont pu être rallongés : la durée de validité des documents de séjour arrivés à échéance entre le 16 mars et le 15 juin 2020 a été prolongée de 6 mois.
Les documents concernés sont les suivants :
– Visas de long séjour ;
– Tous titres de séjour ;
– Autorisations provisoires de séjour
– Récépissés de demandes de titres de séjour
Cette prolongation est automatique. Elle prolonge également les droits sociaux et le droit au travail.
De plus, certaines procédures sont dématérialisées, et ne nécessitent plus de se rendre en Préfecture en personne.
Ensuite, la Préfecture instruit la demande. Pour cela, elle peut obtenir de certaines personnes des éléments d’information, si elles sont « strictement nécessaires au contrôle de la sincérité et de l’exactitude des déclarations souscrites ou au contrôle de l’authenticité des pièces produites en vue de l’attribution d’un droit au séjour ou de sa vérification ».
La Préfecture peut donc obtenir des informations par exemple des administrations chargées de l’emploi, des organismes de sécurité sociale, et des établissements scolaires et d’enseignement supérieur.
La Préfecture peut aussi convoquer l’intéressé à des entretiens, pour s’assurer qu’il peut justifier qu’il remplit les conditions requises, notamment pour la délivrance d’une CST ou d’une carte de séjour pluriannuelle.
Elle peut d’ailleurs continuer de contrôler l’existence de ces conditions tout au long de l’utilisation de la carte.
Pendant l’instruction de la demande, l’intéressé dispose d’un récépissé qui atteste de la demande de délivrance d’un titre de séjour. Il est valable pendant un mois minimum, et certaines circulaires parlent de quatre mois minimum. Il peut aussi être renouvelé.
Ce document permet au demandeur de demeurer en France de manière régulière, voire d’y exercer une activité professionnelle si une demande spécifique a été faite.
2. La décision de la Préfecture
Dans l’hypothèse d’une réponse favorable à la demande par la Préfecture, c’est à dire la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour, plusieurs démarches sont encore à suivre avant d’obtenir ce titre de séjour :
- fournir un timbre fiscal de 19 euros
- payer une taxe, qui varie selon l’acte concerné :
- autorisation de séjourner, 340 euros
- premier titre, 260 euros
- renouvellement du titre, 106 euros
- demande hors délai 180 euros
- prise d’empreintes et photographies
- visite médicale auprès de l’OFII
- engagement à suivre une formation civique et linguistique si nécessaire
B. Le pouvoir d’appréciation de l’administration selon les titres de séjour
1. L’appréciation par la Préfecture des conditions de délivrance
Certains titres de séjour sont délivrés selon des conditions exigeantes, qui rendent automatiques la délivrance si elles sont remplies.
Par exemple, les cartes de résident sont délivrées selon les conditions listées ci-dessus (Voir article La carte de résident), et nécessitent la réunion de conditions relatives à l’intégration républicaine, qui sont notamment prévues par le « contrat d’intégration républicaine ».
Ensuite, les conditions de délivrance des cartes de séjour temporaires aux mentions « vie privée et familiale » sont soumises à appréciation de la part de l’administration. En effet, l’article 313-11 du CESEDA prévoit notamment cette condition, que l’administration doit apprécier :
« l’étranger (…) dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d’existence de l’intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d’origine, sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ». De plus, l’insertion de l’étranger dans la société française est évaluée « en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ».
De plus, l’article L. 313-14 du CESEDA dispose qu’une carte de séjour temporaire peut être délivrée à l’étranger dont « l’admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu’il fait valoir ».
L’appréciation de cette situation revient également à la Préfecture.
2. L’appréciation par une commission du titre de séjour
La commission du titre de séjour est composée d’un maire désigné par l’association des maires du département ou par le Préfet en concertation avec les associations des maires du département, et de deux personnalités qualifiées désignées par le préfet.
La commission du titre de séjour est saisie obligatoirement dans les cas suivants :
- lorsqu’il est envisagé de refuser la délivrance ou le renouvellement, d’une carte de séjour temporaire portant mention « vie privée et familiale » délivrée de plein droit (art. L. 313-11 du CESEDA) ; ou d’une carte de résident délivrée « de plein droit » (art. L. 313-11 et art. L. 313-12 du CESEDA).
- lorsqu’est envisagée la délivrance d’une carte portant mention « vie privée et familiale » au titre de l’admission exceptionnelle au séjour, ou le retrait du titre de séjour d’un étranger ayant fait entrer son conjoint ou ses enfants en France en dehors de la procédure de regroupement familial (art. L 431-3 du CESEDA).
La commission du titre de séjour est saisie de manière facultative, par les autorités préfectorales, en application de l’article R. 312-10 du CESEDA, pour toute question relative à la délivrance des titres de séjour.
La commission doit se réunir dans un délai de trois mois à compter de sa saisine par le Préfet.
L’étranger concerné par la décision préfectorale doit être convoqué devant la commission du titre de séjour, quinze jours au moins avant la séance.
Il peut être assisté d’un avocat ou de toute personne de son choix, le cas échéant, avec un interprète.
Tant que la commission n’a pas statué, l’intéressé va bénéficier d’un récépissé valant autorisation provisoire de séjour, lorsqu’il n’est plus titulaire d’un autre document l’autorisant à séjourner.
Conformément à l’article R. 312-8 du CESEDA, la commission du titre de séjour va rendre un avis qui sera communiqué à la fois aux autorités préfectorales et à l’intéressé. Le préfet sera destinataire du procès-verbal de la séance, comportant notamment les déclarations faites par l’étranger.
Cet avis ne lie néanmoins pas les autorités préfectorales.
III. Le retrait des titres de séjour
Il existe des retraits obligatoires, automatiques, et des retraits facultatifs, relevant de l’appréciation des autorités préfectorales.
A. Le retrait obligatoire
Conformément à l’article R. 311-14 du CESEDA, le titre de séjour est retiré automatiquement dans les cas suivants :
- le titulaire résidant en France avec un premier conjoint a fait venir dans le cadre du regroupement familial un autre conjoint ou des enfants autres que ceux déclarés lors de la demande initiale de titre de séjour ;
- le titulaire d’une carte de résident qui vit en France en état de polygamie ;
- le titulaire d’une carte de résident s’est absenté du territoire français pendant une période de plus de trois ans consécutifs ;
- le titulaire d’une carte de résident portant mention « résident de longue durée-UE » accordée par la France a résidé en dehors du territoire des Etats membres de l’Union européenne pendant une période de plus de trois ans consécutifs, ou a résidé en dehors du territoire français pendant une période de plus de six ans consécutifs, ou a acquis le statut de résident de longue durée-UE dans un autre Etat membre de l’Union européenne ;
- l’étranger a fait l’objet d’une mesure d’expulsion ou d’une interdiction judiciaire du territoire ;
- le titulaire d’une carte de résident est condamné pour avoir commis sur un mineur de quinze ans des violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité.
- le titulaire de la carte de séjour temporaire ou de la carte de séjour « pluriannuelle » qui cesse de remplir l’une des conditions de sa délivrance ;
B. Le retrait facultatif, dépendant de l’appréciation des autorités préfectorales
En application de l’article R. 311-15 du CESEDA, le titre de séjour peut être retiré :
- au titulaire d’une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle qui a commis des faits qui l’exposent à certaines condamnations,
- ou qui a occupé un travailleur étranger en infraction avec les dispositions du code du travail ou a exercé une activité professionnelle non salariée sans en avoir l’autorisation
- à l’étranger titulaire d’une carte de séjour « étudiant » ne respectant pas la limite de la durée de travail annuelle (60%).
- à l’étranger autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial qui n’est plus en situation de vie commune avec le conjoint qu’il est venu rejoindre dans les trois ans qui suivent la délivrance du titre de séjour, sauf exceptions ;
- à l’étranger ayant fait venir son conjoint ou ses enfants en dehors de la procédure de regroupement familial, sauf s’il est titulaire d’une carte de résident portant la mention « résident de longue durée-UE » ou est protégé à l’égard des mesures administratives d’éloignement ;
- au titulaire d’une carte de résident ayant mis fin à sa vie commune avec un ressortissant de nationalité française dans les quatre années qui suivent la célébration du mariage, sous réserve de l’article L. 314-5-1 ;
- au titulaire de la carte de résident de longue durée-UE dans un autre Etat membre, autorisé à séjourner en France, qui exerce dans les douze mois qui suivent la délivrance de la carte de séjour temporaire des activités salariées autres que celles pour lesquelles il s’est vu accorder son droit au séjour en France ;
- au titulaire d’une carte de résident ayant occupé un travailleur étranger en infraction avec les dispositions de l’article L. 5221-8 du code du travail ;
- à l’étranger admis à séjourner en France pour y exercer une activité salariée : il se voit retirer son autorisation de travail au motif qu’il ne s’est pas conformé à l’obligation de produire un certificat médical ;
- à l’étranger titulaire d’une carte de séjour temporaire ou d’une carte de séjour pluriannuelle constituant une menace pour l’ordre public ;
- au titulaire de la carte de résident portant la mention « résident de longue durée-UE » délivrée par la France ayant perdu la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire ;
- à l’étranger faisant obstacle aux contrôles nécessaires à la vérification du maintien des conditions de délivrance de son titre de séjour ou ne déférant pas aux convocations ;
L’article R. 311-15 II du CESEDA prévoit que la carte de résident peut être retirée et remplacée de plein droit :
– si l’étranger ne peut faire l’objet d’une mesure d’expulsion, et a été condamné de manière définitive pour certaines infractions
– si l’étranger, titulaire de la carte de résident portant la mention « résident de longue durée-UE » accordée par la France et dont la présence en France constitue une menace grave pour l’ordre public, ne peut faire l’objet d’une mesure d’expulsion.