LA RECEVABILITÉ DEVANT LA CEDH

I. Phase préliminaire : remplir les conditions de recevabilité

Pour qu’une requête soit recevable, il convient de remplir plusieurs conditions indispensables, prévues par les articles 34 et 35 de la Convention européenne des droits de l’Homme (« la Convention »).

En effet, si ces conditions ne sont pas remplies, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) peut déclarer la requête irrecevable sans avoir examiné le fond de l’affaire. Voici les conditions pour vérifier la recevabilité devant CEDH. 

(1) La qualité de requérant individuel

Le requérant peut être toute personne physique et morale. Dès lors, les nationaux et les non-nationaux peuvent exercer leur droit de recours devant la CEDH contre un État qui est partie à la Convention.

Les autorités publiques et les collectivités locales ne sont pas autorisées à saisir la CEDH, car elles représentent l’État et sont en relation hiérarchique avec l’État contre lequel elles introduisent le recours.

En revanche, le requérant peut être toute organisation non gouvernementale, c’est-à-dire les sociétés commerciales, les syndicats, les partis politiques, les associations, les fondations, les organisations religieuses.

Le requérant peut également être tout groupe de particuliers. En d’autres termes, peut former un recours toute association informelle, en général temporaire, de deux ou plusieurs personnes défendant des intérêts identiques.

Dans tous les cas, le requérant doit s’estimer victime d’une violation d’un ou plusieurs droits garantis par la Convention.

(2) La qualité de victime

Toute personne qui s’estime victime directe d’une violation de l’un de ses droits garantis par la Convention peut saisir la CEDH.

Il en va de même en ce qui concerne les victimes indirectes, potentielles ou éventuelles.

En effet, la CEDH estime que, dans certains cas, la menace d’un préjudice futur suffit à établir la qualité de victime. Tel est le cas lorsqu’une loi ou une pratique n’a pas encore été appliquée au requérant mais qu’il existe un risque qu’elle le soit dans le futur. Ainsi, toute personne susceptible de subir les effets des législations qu’elle estime incompatibles avec la Convention peut se prétendre victime, au sens de l’article 34 de la Convention, en l’absence de toute application effective de la loi.

En outre, la CEDH déclare recevables des requêtes dans lesquelles des personnes n’avaient pas subi de préjudice direct, mais pouvaient être qualifiées de « victimes indirectes ». Il s’agit de toute personne ayant un lien étroit et personnel avec les victimes directes ayant un intérêt personnel et valable à ce qu’il soit mis fin à la violation (par exemple parents proches d’une victime directe, personnes ayant un lien avec la victime directe, etc.).

(3) L’épuisement des voies de recours internes

La CEDH ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes.

En d’autres termes, il faut saisir toutes les juridictions internes avant d’aller devant la CEDH.

Le requérant doit donc, avant de saisir la CEDH, avoir porté son affaire jusqu’à la plus haute instance compétente (la Cour de cassation pour l’ordre judiciaire et le Conseil d’État pour l’ordre administratif).

Cela ne suffit pas, encore faut-il encore que le requérant soulève devant les juridictions nationales, au moins en substance, la violation du droit et de la liberté qu’il allègue devant la CEDH.

(4) Le délai de six mois

La requête doit être présentée dans un délai de six mois à partir de la date de la décision interne définitive, c’est-à-dire la dernière décision de la juridiction nationale (la décision de la Cour de cassation ou du Conseil d’État).

Avec l’entrée en vigueur du Protocole n° 15 à la Convention, ce délai se réduit à quatre mois.

(5) Le non-cumul des recours

Il n’est pas autorisé d’introduire deux recours identiques devant la CEDH et de saisir en parallèle une autre instance internationale. Le recours ne doit donc pas :

– être essentiellement le même qu’un recours qui a déjà été soumis à la CEDH, c’est-à-dire par la même personne pour les mêmes faits ;
– être identique, quant aux faits et à la violation alléguée, à une communication déjà portée devant une instance internationale, en particulier le Comité des droits de l’homme.

Il s’agit ici d’éviter un cumul de procédure.

(6) La requête doit être compatible avec la Convention et ne doit pas être manifestement mal fondée

La requête ne doit pas être incompatible avec les dispositions de la Convention, c’est-à-dire, qu’il faut :
– qu’un droit ou une liberté garanti par la Convention (ratione materiae) soit violé ;
– que la CEDH soit saisie par une personne physique ou morale contre un État membre du Conseil de l’Europe (ratione personae) ;
– que la violation ait eu lieu sur le territoire d’un État membre, à l’exception d’un contrôle effectif d’un État membre sur un territoire étranger (ratione loci) ;
– que la violation ait eu lieu après la ratification de la Convention par l’État défendeur.

Par ailleurs, la requête ne doit pas être abusive ni frivole et ne pas être manifestement mal fondée.

(7) Le préjudice important

Une requête peut être rejetée au motif que son auteur n’a subi aucun préjudice important.

II. La procédure d’examen de la recevabilité

Le président de la CEDH attribue à une section toute requête individuelle.

Après le premier examen, si la requête est manifestement irrecevable, elle est attribuée à la formation de Juge unique, qui la déclare irrecevable avec une décision définitive et brièvement motivée.

Saisis de l’affaire, le Comité de trois juges et la Chambre de sept juges peuvent aussi la déclarer irrecevable.

La décision d’irrecevabilité est définitive ; il n’y a pas de recours contre cette décision devant la Grande Chambre de dix-sept juges.

Le Comité et la Chambre peuvent décider de déclarer la requête recevable et de rendre un jugement sur le fond, par lequel ils peuvent conclure à la violation ou la non-violation de la Convention.

Lorsque l’affaire soulève une question grave relative à l’interprétation de la Convention ou de ses Protocoles ou si la solution d’une question peut conduire à une contradiction avec un arrêt rendu antérieurement par la Cour, la Chambre peut également se dessaisir au profit de la Grande Chambre.

III. La procédure sur le fond

Si la requête individuelle est déclarée recevable, la Chambre peut inviter les parties au litige à lui remettre tous éléments de preuve ainsi que des observations écrites. Une audience sur le fond a lieu si la Chambre le décide d’office ou à la demande des parties. Cependant, , compte tenu de la charge du travail de la CEDH, la tenue d’une audience est exceptionnelle.

Après avoir déclaré une requête recevable, la CEDH poursuit l’examen de l’affaire avec les représentants des parties et toute communication avec la CEDH doit être faite en anglais ou en français.

S’agissant de la demande de satisfaction équitable, c’est-à-dire la demande des dommages et intérêts pour les préjudices subis, elle doit être exposée dans les observations écrites sur le fond ou dans un document spécial déposé dans le délai imparti par la CEDH.

Le non-respect du délai entraîne le rejet de la demande de satisfaction équitable.

Par la suite, l’État défendeur aura l’occasion de répondre à la demande de satisfaction équitable du requérant.

Le dossier est donc en état d’être jugé par la CEDH, qui se prononcera sur le fond de l’affaire. Elle décide qu’il y a eu violation ou non-violation de la Convention. Dans le cas où elle conclut que les droits du requérant ont été violés, elle pourra accorder au requérant une satisfaction équitable, destinée à réparer le préjudice qu’il a subi.

Les arrêts rendus sur le fond par le Comité et la Grande Chambre sont immédiatement définitifs et ne peuvent l’objet d’aucun recours.

Les États parties doivent obligatoirement se conformer aux arrêts de la CEDH et les exécuter.

Le Conseil des Ministres veille à l’exécution des arrêts par la CEDH.

Vous cherchez un avocat CEDH pour la recevabilité devant CEDH?

Salle d'audience - Recevabilité devant cedh